Blocage du loyer, limitation des flexibaux, interdiction d’expulsion… Le bail de courte durée, qui concerne la plupart des locataires à Bruxelles, subit un sévère recadrage de la part des autorités régionales depuis ce 1er novembre 2024.
Le cabinet de la secrétaire d’État bruxelloise au Logement, Nawal Ben Hamou, parle d’un « rééquilibrage » des droits entre propriétaires et locataires liés par un bail de courte durée à Bruxelles (inférieur à 3 ans).
Pour les investisseurs, c’est une série de contraintes supplémentaires avec lesquelles ils devront composer depuis les modifications apportées au Code bruxellois du logement ce 1er novembre 2024. Ces baux concernent 90% des locations dans la Région, selon la fédération des agents immobiliers Federia.
Plus d’augmentation de loyer entre deux locataires ?
Premier changement de taille concernant ces baux: l’article 217 du Code impose désormais d’indiquer le type de bail, le montant du loyer et le montant du dernier montant versé du bail précédent (ce sont les « informations précontractuelles ») dans un nouveau bail.
Pour quelle raison? Pour que le nouveau contrat de bail ne puisse faire l’objet d’un « saut » de loyer (autre que celui prévu par le mécanisme d’indexation ou en cas de travaux importants justifiant un loyer réévalué à la hausse), spécifie désormais l’article 241. Autrement dit le propriétaire est tenu de repartir avec le loyer précédent et ne peut plus profiter du changement de locataire pour l’augmenter.
Cette interdiction s’applique aussi en cas de résiliation anticipée et court sur une période de 9 ans. À l’instar des baux de longue durée, les baux de courte durée ne pourront donc plus prétendre qu’à une hausse basée sur l’indexation.
Si cette obligation d’information précontractuelle (type de bail, montant du loyer et date du dernier versement du précédent locataire) n’est pas respectée, le bailleur peut se voir imposer une amende administratives fixée entre 50 et 200 euros. Les communes peuvent constater, poursuivre et sanctionner les manquements à ces obligations.
À noter qu’avant la présente réforme, l’interdiction d’augmenter le loyer était déjà d’application en cas de renon signifié par le bailleur. Elle s’étend donc juste au départ du preneur.
Dans le cadre d’un bail long terme, très rare sont les locataires qui restent réellement 9 ans. En général, les locataires restent pour une durée de 3 ans ou un peu plus. Le recours plus systématique au bail de longue durée permettra au bailleur de tout de même augmenter le loyer lors du départ d’un locataire.
Les flexibaux à répétition assimilés à de la longue durée
La philosophie de ces modifications étant de calquer l’évolution des loyers des baux de courte durée sur ceux des baux à longue durée, les baux à courte durée ne pourront plus être reconduits qu’une seule fois (article 238 du Code), alors qu’ils pouvaient l’être deux fois auparavant.
Au-delà d’une reconduction, ils seront automatiquement assimilés aux droits d’un bail de longue durée.
Il s’agit donc d’une forme d’encadrement des loyers « soft ».
Contre-préavis du preneur
Si un bailleur met fin à un contrat de bail, par exemple pour occuper lui-même le bien ou y effectuer des travaux, le preneur aura droit à un contre-préavis d’un mois, un peu comme en droit du travail.
Ainsi, le locataire qui a trois mois pour trouver un nouveau logement pourra objecter qu’il ne «preste» que 2 mois s’il trouve un nouveau logement après seulement 2 mois de recherches à partir du renon du bailleur, afin de lui éviter le paiement de deux loyers en même temps.
Garantie locative de 2 mois maximum
La garantie locative devait être comprise entre l’équivalent de 1 et 3 mois de loyer. Désormais, elle ne pourra plus être que de 2 mois maximum.
Il est intéressant de se souvenir que la grande majorité des garanties locatives sont aujourd’hui constituées via des comptes bloqués individualisés au nom du locataire. Pour ce type de dépôt, le montant maximum était déjà de 2 mois.
Seuls les dépôts par garantie bancaire (qui sont rares) sont donc réduits à 2 mois au lieu de 3.
Les modes de dépôt restent les mêmes (compte individualisé, Caisse de Dépôt et Consignation, garantie via le CPAS, sûreté réelle…) mais plus de paiement de la main à la main et la caution personnelle n’est plus permise - en plus de la garantie locative - que dans le cadre d’un contrat étudiant. Cela pour « éviter les pratiques d’agences qui consistent à favoriser le candidat locataire en mesure de faire valoir la caution d’une autre personne pour emporter le contrat de bail face à ses concurrents », explique-t-on au cabinet de la secrétaire d’Etat.
En outre, le propriétaire devra rendre la garantie au locataire dans les deux mois suivant la sortie de bail, sous peine d’une indemnité à payer équivalente à 10% du loyer mensuel par mois de retard.
Hausse du loyer suite à des travaux: la Région réfléchit…
Les propriétaires étant (fortement) sollicités pour améliorer l’efficacité énergétique de leur bien (cfr notre article sur les amendes en cas de mauvais PEB dès 2033), ils ont toujours le droit de prétendre à une hausse de loyer en contrepartie de ces investissements. Mais « une réflexion est en cours » avec Bruxelles Environnement pour encadrer ces hausses afin qu’elles soient « proportionnées ». Le plus probable est que cet encadrement se fasse sur la base du PEB ou sur le montant des économies réalisées grâce aux travaux.
Par ailleurs, le propriétaire qui annonce un préavis pour travaux à son locataire aura un maximum de deux mois pour lui remettre le permis d’urbanisme ou un devis ou une description détaillée et chiffrée des travaux, sans quoi le locataire aura le droit d’invalider le préavis.
Et encore…
Le Code bruxellois du Logement prévoit encore d’autres points que les bailleurs devront garder à l’esprit:
- Le bailleur devra opposer « un motif raisonnable de refuser » un locataire à cause de son animal de compagnie. Une disposition assez floue mais qui, en pratique, devrait permettre aux locataires de disposer du droit d’avoir un (petit) chien ou un chat.
- Les locataires seront obligés de souscrire à une assurance incendie et dégâts des eaux.
- En cas d’erreur constatée sur le calcul des charges, une rectification pourra être réclamée (tant par le bailleur que par le preneur) dans un délai de deux ans après la notification. Une erreur au bénéfice du propriétaire ne pourra être réclamée que sur un arriéré de 5 ans. Celle au bénéfice du locataire pourra être corrigée sur un arriéré illimité.
- Les locataires qui déposent une plainte auprès de la Direction de l’Inspection Régionale du Logement seront protégés le temps de la procédure en cas de contentieux locatif (non paiement du loyer la plupart du temps).
- Si un logement est déclaré insalubre, les locataires (sauf s’ils sont à l’origine de l’insalubrité) obtiendront une protection supplémentaire, dont le droit d’obtenir un nouveau logement et de déménager aux frais du propriétaire (nécessite une décision de justice).
- Les « expulsions sauvages » seront punies plus durement: jusque 18 mois de loyer d’indemnités au profit du locataire expulsé sans décision de justice.